Don't know who I am anymore.
Parfois, on croit savoir qui l'on est, et on se révèle être tout autre. Parfois, on pense avoir une destinée, et on se rend compte que le monde et plat et sans envergure. Et parfois, on s'appelle Vincent Van Gaugh, et il est impossible de se sentir à sa place.
Cela avait commencé bien avant qu'il ne découvre qu'il était mutant. Depuis tout petit, le monde n'avait eue de cesse de l'informer qu'il avait un homologue connu. Une bonne blague de la part de ses parents sans doute. Peut-être une sorte de bon présage, une façon d'attirer la bonne étoile sur lui. ça avait lamentablement foiré. Depuis tout petit, Vincent l'avait toujours su. Il n'avait rien à voir avec 'le vrai Vincent'. Lui n'était qu'un faux Vincent. Même pas, en fait. Il était juste Vincent.
Il n'avait jamais vraiment collé à l'image idéale que c'était fait ses parents de lui. Comme son grand frère, il serait athlétique et fort, un bourreau des coeurs. Vincent ne ressemblait en rien à son frère. Grand, mince, bouclé, et aussi doué avec les filles qu'avec les langues étrangères. Une catastrophe. Mais bon, au moins, ils avaient l'aîné pour ne pas trop en souffrir. Vincent le savait très bien, il était décevant. Le problème étant que malgré ses efforts pour combattre sa nature, il n'arrivait même pas à la cheville de son grand frère aux yeux de ses parents. Alors il avait vite abandonné l'idée.
Depuis tout petit, Vincent s'était aussi toujours senti proche de la nature. Des plantes, plus précisément. Quand il disait qu'il avait l'impression que les fleurs poussaient pour lui, sa mère lui répondait toujours que c'était une belle histoire, mais que ce n'était que cela. Une histoire. Alors Vincent avait fini par se taire, se satisfaisant simplement de la 'compagnie' des fleurs, qui parfois n'aurait pas vraiment du être là. Comment des fleurs tropicales pouvaient-elles sortir de terre en plein hiver? Vincent n'avait pas posé la question, il les avait juste trouvé jolies.
En grandissant, cette 'sensibilité', comme disait son père, l'avait assez rapidement mit hors jeu. Un garçon qui aime les fleurs? Trop étrange. Trop féminin. Vincent c'était rapidement retrouvé seul,et très vite, il avait apprit à observer la 'faune locale'. Des garçons en quête d'identité, des filles en quête de féminité, et lui, au milieu, avec ses fleurs. Trop bizarre, il en convenait. Pas étonnant qu'il rallie les foules. Contre lui, bien sûr. Après tout, tous ces enfants en quête d'eux même avaient besoin d'un but commun pour coexister... Très rapidement, Vincent avait été la cible de quolibet, de petites crasses, de moqueries. Cela n'était pas aller en s'arrangeant au collège. Ni au lycée. Ni à la maison d'ailleurs...
En grandissant cependant, Vincent avait fini par comprendre. Ce qu'on prenait pour une belle histoire d'enfant était beaucoup plus compliqué que cela... En réalité, les fleurs poussaient réellement pour lui. Pire que cela, il pouvait en créer à volonté. Au départ, Vincent se pensa magicien, et l'espace d'une seconde, il se dit que sa vie avait peut-être finalement bien un sens. Mais ce fût un mot tout autre qui lui vint en tête, lors d'un énième repas de famille.
Un foutu mutant.
Dès qu'on avait fait état de l'apparition des premiers mutants, son père s'était montré catégorique: les mutants étaient des erreurs de la nature, à tuer sans le moindre état d'âme. Son frère pensait exactement la même chose, et sa mère demeurait passive. Vincent lui ne disait jamais rien, sauf quand Casey l'y forçait. Depuis toujours, depuis le premier jour où Vincent avait commencé à être moqué à l'école, son grand frère avait toujours fait parti des meneurs. Grand, athlétique, beau, fort. Le contraire totale de cet avorton bouclé. Des chamailleries entre frères, prétextait sa mère, quand Vincent osait venir s'en plaindre. Il t'apprend à devenir un homme! affirmait même son père, avant de mettre une tape dans l'épaule de son grand garçon. Vincent ne le pensait pas. En réalité, Vincent était persuadé que Casey le haïssait. Et il n'avait pas foncièrement tord.
Le jour fatidique, le jour où Vincent fut embarqué pour le Dôme, il s'était encore fait frappé en rentrant de l'université. Lèvres enflées et coeur au bord des dents, Vincent s'était réfugié dans le jardin public, attendant de finir de trembler pour rentrer à la maison. Dans un coin isolé, là où il se réfugiait régulièrement, il avait observer les fleurs sortir de terre autour de lui, doucement, simplement, lisant à travers les espèces tout le ressentie qu'il gardait en lui, mais aussi le soulagement qu'il ressentait d'être enfin à l'abri. Délicatement, il cueillit une fleur de camomille, la frottant un peu pour soulager sa plaie à la lèvre. Il aurait pu rester des heures aussi tranquillement. Casey en décida autrement.
Accompagné de sa 'bande' de saoulard, il piétina sans état d'âme les fleurs autour de Vincent, lui assénant un grand coup dans la mâchoire, qui lui fit presque perdre connaissance. Et les choses dégénérèrent. Sans le contrôler, Vincent se mit à faire pousser des fleurs et du lierre, toutes sortes de ronces et de fleurs à l'odeur affreuse autour de son frère et ses amis, en griffant certain jusqu'au sang, en enfermant d'autre à même le sol, enroulé de lierre et d'épines. Quand il parvint enfin à voir sans étincelles, le mal était déjà fait.
Sa mère pleura toutes les larmes de son corps lorsque son père appela la police. Son père lui, aurait très bien pu lui cracher dessus. Casey ne s'en priva pas. Lachlan lui révéla plus tard qu'il souffrait dun sérieux traumatisme crânien, ce qui expliquait les hachures de ses derniers souvenirs en famille. De fait, Vincent ne se souvenait que de bribes. Les larmes. Les coups. Les crachats. Les mots...
Ensuite plus rien. Et le Manoir.